Moi qui ne sais pas traduire
On a voulu m’apprendre à transposer, c’est-à-dire, à faire des traductions, hier et avant-hier, sur les plages de Gasteiz. Ou peut-être ai-je voulu apprendre aux traducteurs à transposer le début, la genèse d’un texte, le gouffre de l’enfance. Nous avons pénétré libres et pieds nus dans mes récits, et chaque phrase nous cachait la forêt, les mystères blottis dans l’oreiller d’un gérondif mal employé. Mais, dans sa tâche, le traducteur ne peut renoncer, il doit transposer les mots aux sons et à l’amour d’une autre langue, avec plus de tendresse que de fureur, avec une patience indicible. Je me suis essayé à l’auto-traduction, avec la douleur du verbe, et les traducteurs, eux, à la xéno-traduction. Les deux chemins nous ont tous menés à Rome, mais pas au Vatican. Le Vatican, dans ce domaine, constituerait la perfection, cette chimère bleue. Nous ne sommes donc pas allés au Vatican, naturellement ; ce n’était d’ailleurs pas nécessaire. Ce que mes compagnons m’ont fait comprendre, c’est que l’on peut aimer ou vivre tout autant dans une autre langue, si le mot d’origine est exprimé justement, ou même, si possible, plus justement encore. C’est moi qui ai reçu les fleurs, mais j’en garde un bouquet pour chacun d’eux. Tenez, les plus rouges de toutes.