Les traducteurs en langue basque de l'Administration et de la Justice : situation et statut professionnel
Lurdes Auzmendi

Traduction : Edurne Alegria

Introduction

Dans le domaine de la traduction en langue basque, les traducteurs de l'Administration constituent, sans aucun doute, le groupe de traducteurs le plus ancien et le plus important. Ces professionnels travaillent dans l'Administration basque depuis l'approbation du Statut d'Autonomie en 1980 et de la mise en application de la Loi de Normalisation de l'Euskara qui en découle, celle ainsi que des décrets qui développent cette loi.

Dans le cadre de la politique de normalisation de l'euskara, des postes de traducteurs ont été créés et occupés peu à peu au sein des administrations municipales, forales et gouvernementales, et actuellement on compte plus de 150 traducteurs travaillant dans ces différents échelons administratifs.

Mais bien entendu, la création et l'occupation de tous ces postes n'a pas eu lieu au même moment à tous les niveaux. Comme il était prévisible, ce sont tout d'abord les villes et les territoires les plus basquisants qui ont fait ce pas, dès l'apparition du Journal Officiel du Gouvernement Basque.

D'autre part, dès sa création, l'association EIZIE compte aussi parmi ses membres des traducteurs de l'Administration. Il est donc évident que ce groupe de professionnels joue un rôle important à tous les niveaux : dans la normalisation de la langue, le volume de traductions, l'actualisation et la normalisation de cette langue spécialisée de l'Administration, etc. Mais au Pays Basque, jusqu'à présent leur situation n'avait pas encore fait l'objet d'une étude. Il est vrai que des petits groupes de travail et de recherche se sont formés de façon sporadique et éparpillée, mais leur objet a été d'analyser les problèmes de terminologie ou d'autres questions d'ordre linguistique.

Les Précurseurs

Nous n'avons pas besoin de beaucoup de mots pour décrire l'importance de la traduction en langue basque tout au long de l'histoire de l'Administration du Pays Basque (néanmoins, dans les années qui viennent nous disposerons de plus d'information sur ce sujet, compte tenu des travaux de recherche si indispensables, déjà entrepris dans les disciplines d'histoire et de droit). Je ne vais pas traiter ici de l'histoire du Pays Basque, mais il faut dire cependant, que malgré l'existence d'institutions politiques propres à ce pays depuis le Moyen Âge, le basque n'y a pas été utilisé pour autant, c'est pourquoi, hormis quelques exemples isolés du siècle dernier, l'emploi du basque administratif n'a été une réalité que durant ce siècle. Je ne citerai ici que deux exemples du siècle dernier : Dans le Royaume de Navarre, vers la fin de l'époque forale (les États Généraux de la Navarre se sont réunis en 1828 pour la dernière fois) on avait l'habitude de traduire au basque le discours prononcé par le Corrégidor au début de l'Assemblée Générale, et d'autre part, il faut aussi mentionner les ordonnances de la ville de Usurbil publiées le 10 octobre 1887 en basque et traduites de l'espagnol.

Ensuite, nous devons faire un saut jusqu'en 1936, année où fut mis en vigueur le Statut du Pays Basque, aussi appelé « Eusko Araudia ». Dans la revue officielle du Gouvernement Basque de l'époque on trouve des textes traduits de l'espagnol au basque.

Puis, de 1937 jusqu'en 1978, année où fut crée le Conseil Supérieur Basque, nous constatons une coupure totale dans ce domaine de la traduction. C'est donc le 15 mai 1978 que l'on commença à publier le Bulletin Officiel dans les deux langues. Une fois approuvés, d'une part le Statut d'Autonomie dans la Communauté Autonome Basque en 1980 et d'autre part, l'Amélioration Forale en Navarre en 1982, la mise en application de la Loi pour la Normalisation de l'Euskara qui en découle, entraîna le recrutement de traducteurs pour introduire le basque dans les administrations du Pays Basque.

C'est justement en 1980 que Xabier Mendiguren, à la demande de l'Académie de la Langue Basque et suite à un questionnaire, présenta une étude sur la traduction en basque et sur les traducteurs basques, dans le but de recueillir l'information nécessaire pour ouvrir l'École de Traducteurs. Six années plus tard, Jesus Zabaleta, alors qu'il enseignait à l'École de Traducteurs de Martutene, fit une autre étude ; il envoya un premier questionnaire à ceux qui avaient déjà publié une traduction ; puis un deuxième, à ceux qui avaient publié la traduction d'au moins un livre, ainsi qu'à tous ceux qui travaillaient dans l'Administration ou dans un organisme culturel en tant que traducteurs. Dans ces deux questionnaires on demandait aux traducteurs leur âge et origine, leur niveau d'études, la variété de langue qu'ils employaient, leur formation, etc. Lors du premier questionnaire, en 1980 (30 réponses), il y avait très peu de traducteurs travaillant dans l'Administration ; au moment du deuxième questionnaire, six années plus tard (86 réponses), un groupe important de traducteurs y travaillaient (la moitié d'entre eux). En 1986, un tiers de ceux qui faisaient des travaux de traduction pour l'Administration étaient fonctionnaires ou travailleurs d'un organisme public, les autres étaient des employés, des travailleurs à contrat limité, etc. Deux autres données sont aussi à souligner : la plupart des traducteurs étaient autodidactes et ils insistaient sur la nécessité de créer une licence de traduction.

Situation actuelle des traducteurs en langue basque dans l'Administration et la Justice

Comme nous l'avons dit plus haut, c'est en 1980 que l'on commença à recruter des traducteurs en langue basque pour l'Administration. Voici la liste des traducteurs de la Communauté Autonome Basque élaborée, quatre ans plus tard, par Jose Ignazio Berasategi de l'HAEE ( Herri Arduralaritzaren Euskal Erakundea - Institut Basque de l'Administration Publique):

Administration
Poste occupé
Poste vacant
Gouvernement basque
8
2
Parlement basque
3
4
Députation de Araba
1
2
Députation de Bizkaia
5
-
Députation de Gipuzkoa
2
4
Communes de Araba
1
2
Communes de Bizkaia
15
1
Communes de Gipuzkoa
24
3
Total
59
18

 (Senez, No 1, 1984, p. 69-80).

Afin de connaître la situation générale des traducteurs qui font l'objet de notre étude, nous avons élaboré une enquête que nous avons envoyée à tous les traducteurs qui apparaissent dans le registre des traducteurs que possède le Service Officiel de Traduction de l'Institut Basque de l'Administration Publique. Nous avons reçu en tout 64 réponses.

D'après le dit registre, voici la liste des traducteurs travaillant actuellement dans l'Administration et la Justice du Pays Basque Sud, ainsi que leur distribution dans les différents organismes :

Administration autonome
Parlement basque
8
Gouvernement basque (dont 14 à osakidetza - santé)
26
haee - izo
5
EHU (Université du Pays Basque)
4
IVEF (Institut basque éducation physique)
2
Conseil pour les rapports du travail
1
Ararteko (médiateur)
1
Gouvernement de Navarre
18
Parlement de Navarre
3
total
68

 

Administration forale
Députation de Araba
2
Députation de Bizkaia
5
Députation de Gipuzkoa
8
Assemblée Générale de Araba
1
Assemblée Générale de Bizkaia
2
Assemblée Générale de Gipuzkoa
2
Total
20

 

Administration municipale
Communes de Araba
2
Communes de Bizkaia
28
Communes de Gipuzkoa
39
Total
69

 

Justice
Tribunal de Gasteiz
1
Cour supérieure de justice du Pays Basque
2
Tribunal de Donostia
2
Total
5

 

Traducteurs dans l'administration et la justice basques
Total 162

Avant de poursuivre notre travail, nous devons ajouter que ces traducteurs recrutés par l'Administration du Pays Basque ne remplissent pas la totalité des besoins de celle-ci. Outre ces traducteurs, il existe des entreprises de traduction et des professionnels travaillant à leur compte qui traduisent des centaines de pages à l'année pour l'Administration. Ainsi, les bulletins officiels des Députations de Bizkaia et de Gipuzkoa sont traduits à l'extérieur de ces organismes ; Il en est de même pour l'«

 Ararteko » (Médiateur), l'Université du Pays Basque, plusieurs départements du Gouvernement Basque et certaines grandes municipalités. Aussi, trouve-t-on actuellement au Pays Basque, surtout à Donostia et Bilbo, de grandes entreprises de traduction très connues qui travaillent principalement pour l'Administration. C'est pourquoi, à l'heure de faire une étude complète de l'importance de la traduction en langue basque dans l'Administration on devra aussi tenir compte de ces entreprises.

Mais revenons au questionnaire : il comprend 12 parties (voir les questions à la fin de ce travail) qui sont ainsi distribuées :

1.- Caractéristiques du poste.
2.- Formation, compétences requises pour le poste.
3.- Fonction du poste, tâches et occupations.
4.- Participation dans des groupes de travail.
5.- Règles et information.
6.- Supervision.
7.- Destinataires du travail.
8.- Information confidentielle.
9.- Installations, appareils et matériel.
10.- Conditions de travail particulières.
11.- Autres conditions de travail.
12.- Autres remarques.

Comme nous pouvons le voir, il s'agit d'un questionnaire spécialement conçu pour les traducteurs de l'Administration et la Justice, et destiné à faire connaître nombre de données que nous soupçonnions jusqu'à présent, mais que nous ne connaissions pas dans le détail. Au moment de présenter les conclusions, nous analyserons à part la situation des traducteurs travaillant dans le domaine de la Justice, car, bien qu'ils soient peu nombreux, leur importance et spécificité ainsi que leur situation générale les différencient des autres.

Néanmoins, le but de cette conférence n'est point de faire une analyse sociologique détaillée des traducteurs. Le conseil d'administration de EIZIE (Euskal Itzultzaile, Zuzentzaile eta Interpreteen Elkartea - Association des Traducteurs, Correcteurs et Interprètes Basques) fera plus tard l'analyse et l'évaluation de toutes les réponses. Pour le moment, nous allons voir, d'une façon générale, certains éléments qui découlent des réponses données par les traducteurs.

1.- En ce qui concerne les caractéristiques du poste nous constatons que : la dénomination de la plupart des postes est celle de traducteur, une dizaine sont des traducteurs-interprètes et quelques peu des adjoints techniques. Presque tous sont fonctionnaires et les plus anciens sont dans l'administration forale. Il en est de même dans l'administration municipale où les traducteurs sous contrat sont assez nombreux, pour certains d'entre eux même, le premier contrat date de 1980. En effet, nous avons dit plus haut, que les institutions publiques commencèrent à recruter des traducteurs en 1980. Toutefois, d'après les réponses, peu sont ceux qui ont travaillé plus de 10-12 ans dans l'Administration. Cela prouve donc que beaucoup de professionnels y ont bien débuté leur carrière, mais au fil des années ils ont changé d'emploi.

2.- Quant à la formation et aux compétences exigées pour remplir le poste, presque tous coïncident sur un point : au moment de la création des postes, on exigeait le baccalauréat ou tout au plus un diplôme de niveau moyen. Lorsqu'on fit l'évaluation des postes de travail dans les institutions publiques, on les assimila aux études moyennes ou supérieures. Dans certains cas, cette assimilation fut automatique, vu qu'ils avaient atteint pour lors ce degré d'études, et dans d'autres cas, ils durent passer un concours. Mais on constate de grandes différences quant à la classification des postes ou aux niveaux hiérarchiques. D'une façon générale, dans les administrations forale et autonome, ainsi que dans les grandes municipalités, les traducteurs sont classés dans les groupes A et B, tandis que dans les petites communes et dans l'Administration de la Justice, ils apparaissent dans le groupe C et dans des niveaux hiérarchiques nettement plus bas, ce qui répercute directement sur le salaire brut. Au niveau hiérarchique, les traducteurs de l'administration forale de Bizkaia sont les mieux placés. Ceux des tribunaux sont les moins bien payés de tous, leur salaire annuel brut étant de près de 12.020 euros.

Cependant, sur d'autres aspects de ce premier point, nous trouvons moins de différences. C'est ainsi que la majorité des interrogés pense que pour bien accomplir leur travail il leur faudrait une formation diversifiée (traduction, interprétation, terminologie, informatique, thèmes généraux de l'administration, législation, etc.) ce qui explique le succès que connaissent chez les traducteurs les cours que des organismes comme HAEE-IZO, UZEI et UEU proposent tous les ans, d'autant plus qu'ils disposent presque toujours de l'autorisation de leurs employeurs pour y assister. Pour beaucoup, les traducteurs de l'Administration auraient besoin d'une formation continue. D'autre part, même si la question ne leur a pas été posée, nombreux sont ceux qui ont aussi manifesté le besoin d'une licence de traduction ou d'études formelles.

Quelques remarques sur le niveau d'études de ces traducteurs : pour la majorité d'entre eux, le basque est leur première langue, ils ont fait des études de philologie basque ou sont passés par l'École Normale, nombreux sont aussi ceux qui ont obtenu un mastère de traduction à l'Université du Pays Basque ou à Deustu, et il faut souligner que bon nombre d'entre eux a fait ses études dans les écoles de traduction de Martutene et de l'HAEE.

3.- Fonction du poste, tâches et occupations. La plupart des traducteurs de l'Administration et la Justice, comme leur nom l'indique, traduisent, et dans beaucoup de cas, ils traduisent quantité de pages. L'écart est pourtant important d'une administration à l'autre : tandis qu'au Gouvernement Basque, ils traduisent 5 à 6 pages du Bulletin Officiel par jour (nous avons obtenu très peu de réponses des autres départements du Gouvernement, les rares qui nous sont parvenues proviennent des gens qui, travaillant à HABE, sont passés au Gouvernement pour faire de la traduction, aussi, les réponses qui en découlent ne sont pas du tout significatives), leurs collègues du Gouvernement de Navarre traduisent en moyenne par jour 8 à 10 pages. Les professionnels de la Députation Forale de Gipuzkoa traduisent 10 à 15 pages par jour, ceux de Bizkaia près de 10, tout comme ceux de l'Université du Pays Basque qui traduisent entre 10 et 12 pages. Ces chiffres sont inférieurs dans les communes, en effet, hormis les grandes municipalités (où le volume de traduction est semblable à celui des administrations forales), dans les autres, la moyenne par jour est de 5 pages.

Cela ne signifie pas pour autant que dans l'administration municipale on travaille moins ; voici l'explication : le travail des traducteurs des hauts échelons de l'Administration se limite à la traduction et, le cas échéant, à l'interprétation ; en revanche, dans les mairies, les traducteurs, outre leur travail spécifique, doivent aussi remplir le rôle d'animateurs culturels, bibliothécaires, superviseurs des planifications linguistiques etc. La plupart des traducteurs de mairie soulignent cet aspect avec insistance, à savoir, la dispersion et la diversité de leur travail, ce qui semblerait leur causer un certain découragement ou fatigue.

Dans l'Administration basque de dix traductions neuf, ou même d'avantage, se font de l'espagnol à l'euskara ; tandis que dans le sens inverse, les cas sont très rares (toutefois, exceptionnellement, il y a des traducteurs de mairies fonctionnant entièrement en basque qui doivent traduire presque tous les textes de cette langue ; de même, dans la Députation Forale de Gipuzkoa et, dans une moindre mesure, dans celle de Bizkaia, les travaux qu'il faut traduire à l'espagnol sont principalement les documents provenant de ces mairies ainsi que ceux écrits par certains politiciens).

À la question de savoir si le nombre de postes de traducteurs dans les institutions est suffisant, les réponses sont partagées : la moitié répond affirmativement tandis que l'autre moitié répond dans le sens contraire. C'est à dire, beaucoup de traducteurs (et leur nombre est à peu près semblable dans les administrations forale et municipale) sont débordés de travail et voient la nécessité de créer de nouveaux postes.

4.- La partie correspondant à la participation dans des groupes de travail est très succincte : la plupart des traducteurs ne participent à aucun groupe de travail ayant trait à leur discipline. Toutefois, les traducteurs de l'Administration forale, et plus précisément ceux de Gipuzkoa, sont, sans aucun doute, ceux qui y participent le plus ; en effet, ils ont crée un séminaire de traducteurs et travaillent actuellement avec d'autres collègues et avec l'aide de l'HAEE sur l'élaboration d'un dictionnaire.

5.- Règles et information. Quel genre de travail font les traducteurs de l'Administration ? Ceux qui travaillent dans les institutions du Gouvernement Autonome et dans les Députations traduisent surtout des règlements et des décrets, des décisions, des ordonnances et des imprimés. Ceux des mairies, des comptes rendus, des certificats et des imprimés, mais ils précisent qu'ils traduisent surtout des comptes rendus. Et, à la question de savoir de quel genre de conseil ils ont besoin au moment de traduire ces textes et à qui s'adressent-ils pour l'obtenir, ils sont catégoriques pour dire qu'ils ont surtout des problèmes au niveau du vocabulaire, des expressions et du style et que pour y remédier, ils s'adressent à un juriste, un économiste, un élu, le maire, un collègue ou toute autre personne susceptible de les aider. Certains avouent qu'ils demandent parfois de changer la rédaction du texte écrit en espagnol.

L'accumulation de travail, souvent des problèmes avec les textes originaux et l'absence d'aide au moment de réviser la traduction, telles sont les déficiences qu'ils signalent dans leurs conditions de travail. Ce sont surtout presque tous les traducteurs des mairies qui se plaignent de travailler tout seuls et de n'avoir personne pour réviser leurs traductions. Dans les députations et au Gouvernement Autonome il y a presque toujours plus d'un traducteur et parmi eux, ceux qui font réviser leur travail par un autre, le font presque toujours de leur propre chef et ils ont recours à l'organisation interne. Dans nos différentes administrations, la figure du correcteur, lorsqu'elle existe, est là principalement pour réviser les textes originaux. Plus d'un traducteur a répondu que son travail n'est supervisé par personne, mais qu'il le souhaiterait.

6.- D'autre part, l'organigramme des traducteurs de l'Administration et la Justice est par ailleurs très simple, en effet, seul dans les cas où l'on trouve des groupes de traducteurs (dans les députations de Gipuzkoa et Bizkaia et dans le Gouvernement Basque au service du Bulletin Officiel) il existe une hiérarchie, on ne peut plus élémentaire : un responsable dont tous les autres dépendent, même si, pour des raisons de scrupule, ils n'osent pas l'avouer.

7.- Les destinataires du travail. Nous avons dit au début de ce travail que les traducteurs en langue basque de l'Administration ont joué et jouent encore un rôle très important dans la basquisation de cette dernière. Presque tout le matériel écrit, produit en basque par l'Administration est de la traduction, et nous avons vu plus haut quel genre de textes sont traduits. D'après cette étude, il est clair que l'Administration fait traduire avant tout des documents qui lui sont nécessaires pour son fonctionnement (comptes rendus, décrets et règlements), ensuite viennent les imprimés et les textes destinés aux citoyens et pour finir, les convocations, les livres, les annonces, etc.

D'autre part, les langues de travail sont les deux langues officielles du pays : comme nous l'avons déjà dit, presque toute la traduction se fait de l'espagnol vers le basque, peu sont les traductions dans le sens inverse. Quant aux autres langues, le français ou l'anglais par exemple, ne sont que rarement utilisées dans l'administration forale. Par conséquent, on traduit en basque et ce, en basque unifié. L'utilisation des dialectes est très, très restreinte dans la production écrite : le biscayen pour les textes destinés aux agriculteurs, les arrêtés officiels et dans les textes destinés à ceux pour qui l'euskara est leur première langue, parfois, on utilise aussi le navarrais. On a aussi recours aux dialectes dans l'interprétation simultanée et consécutive ainsi que dans les rapports oraux avec les citoyens (le guipuzcoan, le biscayen et le bas-navarrais).

Par ailleurs, dans l'Administration et la Justice du Pays Basque Sud l'usage de l'interprétation est assez répandu. Dans les parlements de la Communauté Autonome Basque et de Navarre, les différents départements du Gouvernement Basque (éducation, travail, etc.), dans les Assemblées Générales des trois provinces, les mairies importantes et moins importantes, surtout au Gipuzkoa, dans les tribunaux et dans les réunions plénières et les réunions des commissions de l'Université du Pays Basque. En ce qui concerne les tribunaux, la présence du basque est assez répandue dans les procédures et les jugements. Dans pas mal de mairies et dans les tribunaux on a recours à l'interprétation consécutive, tandis que dans les Assemblées Générales, à l'université et au parlement on utilise la méthode simultanée. Ici aussi, comme dans beaucoup d'autres cas, plus l'institution est élevée, plus le matériel utilisé est performant.

8.- Il en est de même pour la confidentialité de l'information, les différences viennent du niveau de l'institution. Dans l'administration municipale, le nombre de ceux qui utilisent une information confidentielle et ceux qui ne l'utilisent pas est semblable, le matériel qu'il faut maintenir en secret étant généralement le contenu des examens destinés aux aspirants à des postes de travail. Dans l'administration forale, ce genre de matériel concerne généralement l'information sur les contribuables, les communiqués entre les hauts responsables ainsi que les règlements et les décrets émanant des députations. Il arrive aussi aux traducteurs du gouvernement de traduire ce dernier genre de documents. Dans le cas des traducteurs des tribunaux, les textes soumis au secret sont les instructions judiciaires, les jugements et les arrêts.

Comme pour les autres langues de l'état espagnol, ici aussi, nous avons des traducteurs assermentés pour les traductions de l'espagnol au basque, et il semblerait que les textes ainsi traduits devraient être assujettis au serment ; mais, à notre connaissance, l'Administration ne l'exige que très rarement.

9.- Pour les traducteurs, installations, appareils et matériel ne sont pas une cause de souci. Excepté les traducteurs des tribunaux (ils travaillent encore avec des machines à écrire), tous les autres disposent d'ordinateurs (la plupart des PC) et du mobilier indispensable (table, chaise et fichier). Ceux qui sont seuls à faire ce travail partagent généralement leur bureau avec d'autres employés de l'Administration ainsi que d'autres services, tels, la photocopieuse, l'imprimante, etc. Le modem, la poste électronique et Internet sont des privilèges dont ne jouissent que quelques privilégiés.

D'autre part, tous disposent à peu près du même matériel spécialisé : ils sont tous bien pourvus de dictionnaires, grammaires -moins-, livres de style -moins-, encyclopédies et glossaires, et tous les traducteurs s'en servent. Les traducteurs de Gipuzkoa (dans l'administration forale et municipale) sont reliés à une base de données terminologiques nommée Euskalterm. Nous constatons aussi que les traducteurs du Parlement et du Gouvernement navarrais utilisent une base de données du Bulletin Officiel de Navarre (STAIRS), les traducteurs de la Députation de Gipuzkoa disposent de publications sur la traduction et ceux de Bizkaia de textes de l'Administration de la Justice.

10.- Parmi ces professionnels, ce sont surtout les interprètes qui subissent des conditions de travail particulières. Des écarts de température très grands dans les cabines, des nuisances sonores dues à une mauvaise isolation ou à l'utilisation simultanée de transcripteurs, sont les principaux inconvénients dont ils se plaignent.

11.- Pour finir, on leur demandait s'ils étaient assujettis à d'autres conditions de travail : hormis les traducteurs des administrations forales, presque tous les autres avouent qu'ils sont soumis au principe de l'incompatibilité dans leur travail ; mais, en dépit de cela, certains traduisent aussi hors de leur institution, surtout dans le domaine de la littérature.

Dans un dernier point, les interrogés avaient la possibilité d'ajouter d'autres remarques. Cependant peu ont répondu et, ceux qui l'ont fait, la plupart des traducteurs de mairies, se sont plaint de leurs conditions de travail : mauvaise organisation du service, diversification extrême du travail, etc.

Jusqu'ici donc l'analyse de la situation actuelle des traducteurs de l'Administration et de la Justice. Mais comme nous l'avons signalé au début de ce travail, nous allons nous pencher brièvement sur la situation particulière des traducteurs de l'Administration judiciaire.

Les tribunaux de justice de la Communauté Autonome Basque emploient cinq traducteurs. Ceux-ci ont été directement engagés par le Ministère de Justice espagnol et, suite au transfert de compétences qui a eu lieu il y a deux ou trois mois entre le Gouvernement de Madrid et le Gouvernement Basque, ces postes relèveront d'ici peu de cette dernière institution.

Le traducteur le plus vétéran a une expérience de six ans dans ce travail. Au moment de leur embauche on leur demanda le baccalauréat et le diplôme EGA, mais des cinq traducteurs actuels quatre ont fait des études dans des écoles de traducteurs ; quant à leur classification professionnelle, tous sont dans le groupe C.

Ils doivent avoir des connaissances juridiques et maîtriser la pratique de l'interprétation. Ils doivent traduire du basque à l'espagnol et de l'espagnol au basque dans les traductions écrites comme dans l'interprétation consécutive. Par ailleurs, leurs conditions de travail sont assez dures : les interprètes du Tribunal Provincial de Donostia et ceux du Tribunal Supérieur de Justice du Pays Basque, dont le siège est à Bilbo, doivent aussi aller aux autres tribunaux de leur province lorsqu'on a besoin de faire des traductions orales, et cela se produit très souvent. Aussi, les traducteurs exigent-ils plus de professionnels pour ces deux capitales.

Ils doivent traduire des formules rogatoires, des ordonnances, des arrêtés, des dénonciations, des notifications, des jugements, etc. et faire de l'interprétation à tous les échelons du processus judiciaire. Comme nous le disions plus haut, et bien que cela ne concerne pas que les traducteurs, nous tenons à mettre en évidence le fait qu'ils utilisent encore des machines à écrire (bel exemple du progrès de la justice).

Les conditions de travail, en soi, ne sont pas spécialement dures, mais contrairement aux autres traducteurs, il y a deux éléments qui peuvent rendre ces conditions mauvaises, d'une part le mépris qu'ils souffrent de la part de beaucoup de juges, magistrats et secrétaires. Il est arrivé lors d'un procès qu'un juge oblige le traducteur à rester six heures debout et on se souvient du cas qui apparut dans la presse et où le juge critiquait durement le travail du traducteur. D'autre part, malheureusement, ils sont aussi l'objet d'un traitement peu respectueux de la part de certains avocats. Tout cela rend leur travail beaucoup plus difficile et fatigant et très souvent ils sont obligés de prendre des congés de maladie pour cause de stress et autres affections de ce genre.

Pour résumer, en ce qui concerne les traducteurs de l'Administration, voici le profil que nous pouvons en faire :

  • •Dans la plupart des cas, leur fonction est connue sous le nom de « traducteur », ils ont le statut de fonctionnaires et cela fait 5 à 6 ans qu'ils occupent ce poste.

  • Ils ont des études moyennes ou supérieures, le basque est leur première langue, ils sont classés dans les groupes professionnels B ou C (dans le groupe A-B ceux des administrations forales et autonomes, dans le groupe B-C ceux des mairies), ils perçoivent un salaire brut de 16.527,83 euros à 21.035,42 euros.

  • Soucieux de leur qualification professionnelle, ils sont très conscients de la nécessité d'une formation continue, aussi, assistent-t-ils souvent à des stages, avec le consentement de l'institution que les emploie. Nombreux sont ceux qui réclament la possibilité de faire au Pays Basque des études formelles de traduction (licence).

  • En ce qui concerne les fonctions du poste, dans les hautes institutions politiques ils font surtout de la traduction (journal officiel, règlements, etc.) ; dans les mairies, nombreux sont ceux qui font surtout des traductions (comptes rendus, annonces, etc.), mais ils doivent aussi faire beaucoup d'autres travaux qui sont en rapport avec l'euskara. Quant aux traducteurs-interprètes ils mènent de front les deux activités.

  • Beaucoup de traducteurs pensent que, surtout dans l'administration municipale, de nombreuses raisons justifieraient le recrutement d'un plus grand nombre de professionnels. Il y a de grands écarts dans le nombre de pages traduites par jour : tandis qu'au Gouvernement Basque, ils traduisent par jour 5 à 6 pages du Journal Officiel, dans le Gouvernement de Navarre, la moyenne journalière est de 8 à 10 pages ; dans la Députation de Gipuzkoa, entre 10 et 15 pages, et dans celle de Bizkaia, tout comme dans les grandes municipalités et à l'Université du Pays Basque la moyenne est de 10 pages, enfin, dans les petites mairies elle est de 5 pages par jour.

  • D'une façon générale, les traducteurs ne participent pas à des groupes de travail ayant trait à leur profession (excepté les traducteurs de la Députation de Gipuzkoa et quelques autres), et en cas de difficulté dans le texte original (lexical, sémantique, stylistique), ils s'adressent à un expert de leur département ou à un collègue. Alors que ceux qui travaillent seuls (principalement dans les mairies) ne peuvent consulter personne lorsqu'ils ont des doutes ou des difficultés dans la traduction.

  • La plus grande partie du volume de travail consiste à traduire en basque les textes produits en espagnol par l'Administration pour son propre fonctionnement, la traduction dans l'autre sens est quasiment symbolique (depuis la mise en vigueur du Statut d'Autonomie, il y a 16 ans, l'euskara n'est pas encore parvenu à être la langue de travail courante dans l'Administration, ou du moins pas à tous les niveaux). Dans la traduction écrite on utilise presque toujours le basque unifié et dans les affaires de moindre importance ou dans les rapports de traduction orale on fait aussi recours aux dialectes.

  • Les traducteurs traitent pas mal d'information confidentielle (examens destinés aux aspirants à des postes de travail, données sur les contribuables, décisions des politiciens, etc.).

  • Ils sont généralement bien pourvus en matériel, fournitures et installations, ils disposent d'ordinateurs, dictionnaires, grammaires, encyclopédies, etc., et normalement, sauf dans le cas des interprètes, leurs conditions de travail ne sont pas spéciales.

  • Bien que la plupart soit tenus de respecter le principe d'incompatibilité, ils essaient aussi de traduire des œuvres littéraires, des scénarios, des revues locales, etc.

  • Le travail de ces traducteurs qui sont chargés de normaliser l'euskara de l'Administration à tous les niveaux (normaliser l'euskara ainsi que la langue technique elle-même, assurer la communication, etc.) mérite, sans aucun doute, d'être reconnu et gratifié. Vu l'intérêt que les traducteurs montrent pour parfaire leur formation et le sérieux avec lequel ils font leur travail, dépassant même les attributions du traducteur, nous sommes convaincus qu'ils méritent la gratitude de la société et la reconnaissance des autorités à tous les niveaux. Par ailleurs, il faut aussi savoir, que l'association EIZIE a l'intention de poursuivre cette étude pour compléter ces données et contribuer ainsi à l'amélioration des conditions de travail des traducteurs et de leur niveau de formation.

Note : Cet article fut publié dans Senez, 19, 1997.