La prétention terminologique du mot "lengoaia"
Juan Garzia

Traduction: Kattalin Totorika

Résumé

L'article s'efforce d'éclairer, au moyen d'un exemple flagrant, la confusion récurrente entre la nécessité terminologique et le simple usage phraséologique dans les textes spécialisés en langue basque. Le mot "lengoaia" est un archaïsme (calqué sur lenguaje/langage) synonyme de "hizkuntza". Il faut tenir compte du fait que, en espagnol comme en français, deux mots coexistent (lengua/lenguaje, langue/langage), et la polysémie de "lengua" et "langue" conduit à ce que, dans de nombreux contextes (pas seulement de termes proprement dits) la préférence va à "lenguaje" et "langage". Ce n'est pas le cas du basque (ni de l'anglais), langues dans lesquelles "hizkuntza" (language) et "mihi" (tongue) sont des mots distincts, en général, bien que le second puisse prendre, dans certains cas (vraiment résiduels en basque) l'acception du premier.

Quoi qu'il en soit, la question cruciale tient dans le fait que (bien évidemment !) le concept auquel il se réfère ne relève d'aucune spécialité. Dans tous les cas, ce sera une simple coutume (ou plus exactement un vice) de la part de quelques usagers de calquer, sans aucune nécessité, la prétendue distinction dans leurs textes. Pour couronner le tout, on choisit (y compris comme standard) le fameux calque archaïque "lengoaia", au lieu de recourir à d'autres synonymes qui pourraient s'avérer plus appropriés, comme "mintzaira" (langue, idiome). Sans aucun doute, l'avantage de "lengoaia" réside dans le fait de présenter une telle ressemblance avec son modèle "langage".

Malgré que cela puisse paraître incroyable, l'attachement à — et la patrimonalisation de — cet usage peut mobiliser des masses et des énergies considérables (et même convaincre des gens extérieurs et normalement critiques et raisonnables) sous la bannière erronée de la défense de (la propriété de) la terminologie spécialisée. Dans ce cas, les plus engagés ont été (et sont, de mon point de vue) les enseignants d'informatique, mais, comme cela a déjà été dit, il s'agit seulement d'un exemple. Et malheureusement, il n'est pas nécessaire de chercher longtemps pour en trouver de nombreux autres, car la distinction entre terminologie, phraséologie et langue/langage paraît très ardue pour ceux qui "vivent" dans une spécialité — y compris linguistique, bien évidemment —, dont le discours tend, quoi qu'il en soit, à se sacraliser dans sa totalité de l'intérieur.