La CIA et le FBI recrutent des traducteurs

2003 Novembre 21
La CIA et le FBI recrutent des traducteurs

La création du National Virtual Translation Center a été annoncé dans le cadre du congrès de l'Association des traducteurs américains , par le directeur du NVTC, Everette Jordan. Le centre doit être opérationnel à partir du 1er décembre 2003.

Les services de renseignements américains recherchent activement des arabisants dignes de confiance, capables à la fois d'interroger des terroristes présumés et de décrypter des codes précédant d'éventuels attentats.

Usant de méthodes discrètes de recrutement, le FBI (police fédérale) et la CIA (centrale du renseignement) se sont mis en devoir de pallier rapidement cette carence en traducteurs d'arabe. Un centre chargé de dépister des traducteurs potentiels à travers les États-Unis est en cours d'élaboration dans le cadre d'un programme commun, auquel participe aussi, selon la presse américaine, la très discrète Agence de sécurité nationale (NSA), chargée des écoutes dans le monde. Ce centre, le National Virtual Translation Center, doit être opérationnel à partir du 1er décembre. La terrible surprise causée par les attentats du 11 septembre 2001 avait notamment été attribuée au manque d'arabisants dans les rangs des services de renseignements qui furent alors submergés de messages en arabe pas décryptés à temps.

Les États-Unis n'ont « jamais eu suffisamment de capacités en matière de langues étrangères, et ce manque a coûté cher en vies humaines », explique Clifford Porter, historien militaire. « Pour vraiment "connaître ton ennemi", il faut comprendre la culture, la politique, et la religion des terroristes, ce qui nécessite des experts en matière de langues », écrit-il dans une publication du Combat Studies Institute.

À titre d'indication, au jour de la tragédie qui fit quelque 3 000 morts, le FBI employait 72 arabisants, dont 45 salariés et 27 traducteurs contractuels. Ils sont aujourd'hui 204, dont 65 salariés et 139 contractuels. « Bien sûr, nous cherchons encore à en recruter », confie un agent du FBI. « Il serait incontestablement utile d'avoir plus d'arabisants », ajoute-t-il. Il estime cependant que le FBI « est en meilleure position » qu'il y a deux ans, mais qu'il a aujourd'hui aussi « plus de responsabilités et de domaines à surveiller ». Les services de renseignement ont aussi mis à contribution leurs traducteurs pour décrypter les documents d'el-Qaëda découverts par les forces américaines en Afghanistan.

Mi-octobre, le directeur du FBI, Robert Mueller, avait fait diffuser un appel d'embauche révélateur de la crainte de ses services de se laisser à nouveau surprendre par des codes en arabe, mais aussi en pachtoune, urdu, somalien, ouzbek, kurde, turc, etc. Salaire proposé : entre 27 et 38 dollars de l'heure.

Depuis, selon l'agent, le FBI a déjà reçu quelque 1 500 dossiers qui devraient être examinés avec la plus grande minutie, car se pose alors la question de la confiance qu'il est nécessaire d'accorder au traducteur. Un traducteur militaire arabophone a récemment été inculpé par une juridiction militaire américaine, et un autre, civil, est en détention, dans le cadre d'une enquête en cours sur des activités d'espionnage à Guantanamo, la base américaine installée à Cuba où sont détenues quelque 650 personnes capturées notamment en Afghanistan.

Pour être recruté par les services de renseignements, un traducteur doit impérativement être citoyen américain, éventuellement naturalisé, et avoir plaidé allégeance au pays. Il doit en outre subir un interrogatoire serré de plusieurs agents qui le passent au détecteur de mensonges, vérifient les influences intellectuelles qu'il a pu subir, son comportement général, sa situation financière, ses liens avec des pays étrangers.

Avoir abusé de l'alcool ou consommé de la drogue est généralement éliminatoire, au même titre que des liens trop étroits avec des régimes étrangers. La famille, les voisins, les employeurs, y compris à l'étranger, sont eux aussi passés au crible.