Interprètes et procès

2006 Février 21
Interprètes et procès

À croire les nouvelles qui nous parviennent des tribunaux espagnols où se déroulent actuellement des procès hautement médiatisés, nous serions portés à penser qu'il n'existe pas de traducteurs professionnels capables d’assurer un bon service d'interprétation entre la langue basque et l'espagnol.

Rien de plus faux, car il existe d’excellents interprètes ; le problème vient de ce que l'Administration de la Justice semble être très réticente à rétribuer ces professionnels selon les tarifs en vigueur pour ce genre de service, parce que « trop élevés ». Tel est le cas par exemple de la « Audiencia Nacional » (tribunal d'exception jugeant des affaires liées au terrorisme) et dont EIZIE (Association de Traducteurs, Correcteurs et Interprètes en langue basque) a été informé à plusieurs reprises. Cela explique le fait que ce tribunal engage des interprètes débutants ou de simples arrivistes auxquels il ne peut exiger aucun critère de qualité. D'ailleurs, le basque n'est pas la seule langue confrontée à cette situation, d'autres comme le roumain, le kurde ou l'arabe subissent le même traitement.

Il faut savoir aussi que même le meilleur professionnel, soumis à des conditions de travail pénibles (horaires prolongés dans un climat souvent tendu ; moyens matériels inappropriés qui ne garantissent pas l'intimité de l'interprète ; rémunération insuffisante), n'est à l'abri de commettre des erreurs.

D'autre part, le droit d'utiliser l'euskara étant garanti par la Constitution, il nous semble que les citoyens qui s'expriment devant les tribunaux en cette langue sont en droit d'exiger de la part de ces derniers un service d'interprétariat approprié. Parfois, le droit à la tutelle légale peut en dépendre en grande mesure.

Le fait de connaître deux langues ne signifie en aucun cas que l'on soit traducteur ou interprète, tout comme la connaissance des lois n'octroie à personne le droit d'être juge. La diffusion accrue de nouvelles faisant état de « mauvaises traductions » d'interprètes devant les tribunaux entache la bonne image de notre profession au sein de la société. Aussi, pensons-nous que les institutions, et en particulier l'Administration de la Justice, doivent prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation.

Joseba Ossa, Président de EIZIE (www.eizie.org)